Lettre collective: « Le plan de Québec pour contrer les impacts de la pandémie sur les femmes rate sa cible et manque d’aplomb »
Dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, nous saluons l’effort du gouvernement du Québec qui a lancé un nouveau Plan d’action pour contrer les impacts sur les femmes en contexte de pandémie. Une somme de 23,1 M$, déjà distribués, y a été attribuée. Comme le précise la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, les 24 actions de ce plan d’un an sont des « actions ciblées qui visent des interventions à court terme » (Communiqué, 8 mars 2021). Pourtant, les répercussions de la pandémie sur les femmes perdureront bien au-delà de la prochaine année.
La portée de ce plan nous apparaît bien faible face à l’urgence d’agir. Il manque de mordant, puisque ses actions visent essentiellement à sensibiliser. Les mesures structurantes brillent par leur absence; le gouvernement mise plutôt sur la transformation des comportements individuels.
Un plan visant la relance économique plutôt que de contrer les impacts de la pandémie sur les femmes
Plutôt que de s’attaquer aux impacts inégaux de la pandémie, ce plan s’aligne sur le plan de relance économique du gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ), qui ne rime pas avec relance féministe.
Les mesures proposées ne répondent pas aux enjeux spécifiques des femmes, pourtant exposés dans les premières sections du plan d’action. Elles visent plutôt l’employabilité des femmes dans des domaines majoritairement masculins (objectif 1), comme la construction, les sciences, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques.
Il est vrai que les femmes sont plus nombreuses à avoir perdu leur emploi et quitté le marché du travail pendant la pandémie. Toutefois, nous déplorons que les domaines d’emplois les plus impactés par la pandémie, qui sont majoritairement occupés par des femmes, ne fassent pas l’objet de mesures spécifiques. Encore plus frustrant, la première des deux actions associées à cet objectif n’offre qu’une reconnaissance symbolique (mesure 5.1), alors que l’autre (mesure 5.2) propose de refaire la vieille réflexion sur la sous-valorisation des métiers typiquement féminins…
Les travailleuses essentielles : les grandes oubliées
La pandémie a mis en lumière la situation critique des nombreux domaines essentiels qui sont tenus à bout de bras par les femmes. Pensons aux domaines de la santé et des services sociaux, l’éducation, le milieu communautaire, les commerces essentiels et le secteur des services. Et ce sont ces femmes et celles qui sont en marge qui ont été les plus impactées par la crise. Pour offrir une réponse à la hauteur des besoins, un réinvestissement massif dans les programmes sociaux, services publics et le milieu communautaire est plus que jamais nécessaire.
Un plan de sensibilisation alors qu’il est plus que temps de passer à l’action!
La plupart des mesures de ce plan visent à sensibiliser, informer, inciter à mettre en œuvre des actions volontaires. Ce plan est finalement un aveu d’échec du gouvernement Legault en matière d’analyse différenciée selon les sexes (ADS). Il est assez ironique, même choquant, que le gouvernement considère comme une action phare la simple sensibilisation des ministères à l’application de l’ADS! (mesure 2.1) Cela est très inquiétant pour le recours indispensable à l’analyse intersectionnelle (ADS+) pour penser les impacts sur les femmes subissant des discriminations multiples.
Nous saluons par ailleurs la promesse d’une étude longitudinale sur la santé des femmes (mesure 2.2), tout en soulignant l’importance de mettre à profit l’expertise des groupes de femmes en la matière.
Le manque de mesures structurantes pour soutenir les femmes
Le quatrième objectif de ce plan résonne particulièrement aux oreilles des groupes d’action communautaire autonome (ACA), qui offrent un « soutien aux femmes en contexte de vulnérabilité » (objectif 4). Nous reconnaissons l’importance d’accorder des fonds ponctuels aux organismes qui en ont grandement besoin. Toutefois, des fonds sont insuffisants et devraient être pérennisés au-delà de la durée du plan.
En réponse au troisième objectif portant sur la conciliation famille-travail-études (CFTE), plutôt que de miser sur des campagnes de communication visant à changer les comportements individuels au sein des couples (mesure 3.1), il est urgent d’offrir des programmes et services en soutien aux familles et de rendre accessibles plus de places en service de garde, et ce, sans égard au statut migratoire.
En route vers le prochain budget
La relance doit inclure toutes les composantes essentielles au fonctionnement d’une société, y compris le travail non rémunéré. Cela va de pair avec un réinvestissement massif dans le filet social (prôné par la campagne unitaire Engagez-vous pour le communautaire). Il est du devoir du gouvernement de porter une attention particulière aux impacts de ses politiques sur les femmes. Des études éloquentes démontrent déjà les principaux impacts sur lesquels il est urgent d’agir.[1]
Il est plus que temps d’exiger que l’ensemble des politiques gouvernementales contribue équitablement à l’amélioration des conditions de vie de toutes les femmes.
Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)
Regroupement des organismes communautaires famille de Montréal (ROCFM)
Réseau d’action des femmes en santé et services sociaux (RAFSSS)
Table des groupes de femmes de Montréal (TGFM)
[1] Voir la plus récente publication de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) : Inégales dans la tourmente.